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Le Défenseur des droits vigilant sur le #numérique dans les services publics

Le bon usage du numérique dans les services publics est une préoccupation du Défenseur des droits depuis plusieurs années.

En avril 2018, le Défenseur des Droits, Jacques Toubon, alertait sur les conséquences d’une dématérialisation trop rapide des services publics, notamment, pour toute une catégorie de la population française. En effet, l’accès au numérique n’est pas une évidence pour une large partie des français (cf mes notes sur l’exclusion numérique et sur l’illectronisme). Déjà en 2017, dans un domaine connexe, il avait pointé du doigt l’inaccessibilité de certains outils pour des agents administratifs et « Constatant le retard accumulé par les administrations en cause, le Défenseur des droits leur avait recommandé de répertorier l’ensemble des logiciels utilisés par leurs agents et de vérifier pour chacun la conformité aux exigences du RGAA afin de mettre en évidence les fonctionnalités non accessibles et de lui en rendre compte dans un délai de 6 mois.« 

Dans son rapport d’activité 2017 (publié début 2018), il consacrait une part importante de ses analyses sur les effets de la dématérialisation : « L’année 2017, comme les années précédentes, a été marquée par une complexité croissante des procédures administratives et une distance accrue entre les administrations et les usagers, liées notamment à la dématérialisation des démarches administratives qui ne cesse de se développer. S’il n’est pas question de remettre en cause l’intérêt de la numérisation pour une meilleure efficacité des services publics, le rôle du Défenseur des droits est, dans ce contexte, de s’assurer que se maintient en France un haut niveau d’exigence dans l’accès égal et effectif aux droits, pour tous et partout. » Il recommandait de conserver des points physiques de réception du public afin d’éviter une trop grande fracture d’accès au service public qui découlerait d’un usage trop brutal et généralisé du numérique : « La persistance de « zones blanches et grises » contribue également à entraver l’accès aux droits de certaines personnes, notamment en zone rurale, et en particulier de celles en situation de précarité, pour lesquelles les dif cultés de transport accentuent le problème. L’accès limité à internet dans ces territoires porte atteinte au service universel, comme le Défenseur des droits l’a souligné à de multiples reprises.« 

Il soulignait dans sa note du 10 janvier 2018 : « la dématérialisation des services publics tend à renforcer des facteurs d’inégalités et à exclure nombre d’usagers qui se trouvent dans l’incapacité de procéder aux démarches administratives« .

Bref, on le voit, son intérêt pour le numérique n’est pas récent. Mais fin 2018, au travers d’un rapport dédié à ce sujet, il est plus précis dans son analyse et ses recommandations. Il considère que : « Les effets de la dématérialisation des procédures administratives se traduisent pour beaucoup d’usagers par un véritable recul de l’accès à leurs droits.
Le Défenseur des droits considère que cette situation, quand bien même elle ne conduirait qu’un seul usager à être privé de ses droits du fait de la dématérialisation, est inacceptable.
« 

Il confirme que 90% des usagers sont satisfaits des procédures en ligne proposées par les impôts et que pour 70% des français, l’État est aussi avancé que le secteur privé.

Mais il rappelle que l’accès à Internet n’est pas suffisamment généralisé pour que les procédures en ligne deviennent exclusives. Il cite un exemple de radiation de Pôle Emploi en raison de la « non réception » dans des délais d’une convocation. Pour Pôle Emploi, toujours, il semblerait qu’une inscription nécessite 20 à 45 minutes avec le téléchargement des pièces jointes et que cela devient rédhibitoire avec une connexion plus lente. Il souligne d’ailleurs que dans les communes de moins de 1 000 habitants, plus d’un tiers des habitants n’ont pas accès à un internet de qualité (les communes de moins de 1000 habitants sont au nombre de 27 396 au dernier recensement INSEE soit 74,7% des communes représentant 9 470 000 habitants).

Le Défenseur des droits rappelle donc qu’il est impératif de résorber la fracture numérique pour que la dématérialisation de l’accès aux services publics n’engendre pas de rupture d’égalité et de discrimination fondée sur le lieu de résidence. Il aborde aussi les problématiques d’accès à un matériel informatique (car pour accéder à Internet, il vaut mieux avoir le matériel pertinent 🙂 ). Par ailleurs, il pointe du doigt les sites Internet insuffisamment testés ou mal conçus (on en revient aux Designers trop souvent oubliés 😉 ) qui ne tiennent pas en compte les parcours citoyens réels.

Parmi les recommandations du rapport :

  • La mise en place d’une aide pour le paiement d’un abonnement internet sur le modèle des chèques énergie.
  • L’évaluation, et un pilotage national par la caisse nationale d’allocations familiales, des dispositifs d’aide à l’équipement
  • La délivrance d’un accusé de connexion nominatif et daté à chaque connexion d’un usager à un service en ligne, cet accusé devant ensuite, en cas d’échec de la démarche, pouvoir être produit à titre de preuve dans le cadre d’un recours administratif ou contentieux.
  • La création d’une clause de protection des usagers en cas de problème technique leur permettant de ne pas être considérés comme responsables du non-aboutissement de la démarche.

Il insiste enfin pour qu’il existe toujours une alternative à une démarche en ligne même si celle-ci devient la règle et propose toute une série de mesure d’accompagnement des usagers. Le rapport aborde aussi un prochain chantier pour le Défenseur des droits, celui de l’Intelligence Artificielle et les conséquences de la mise en oeuvre de certains algorithmes prédictifs ou d’aide à la décision… Donc un prochain rapport et une prochaine note !

Sources :