Donc l’assemblée nationale a finalement adopté l’article 9 de la loi contre le terrorisme. Cet article autorise le blocage administratif des sites Internet qui font l’apologie du terrorisme. Le blocage administratif signifie qu’il n’est plus nécessaire de passer par un juge pour demander ce blocage.
Cette mesure va à l’encontre de ce qu’avait recommandé le Conseil National du Numérique (du coup, on se demande pourquoi lui demander son avis !). L’analyse du CNN était pertinente :
- le dispositif de blocage proposé est techniquement inefficace ;
- il est inadapté aux enjeux de la lutte contre le recrutement terroriste ;
- en minimisant le rôle de l’autorité judiciaire, il n’offre pas de garanties suffisantes en matière de libertés;
- des alternatives plus efficaces et plus protectrices que le blocage administratif auprès des FAI peuvent être mises en oeuvre. Le Conseil a tenu à faire une série de propositions en ce sens afin d’aider le travail du gouvernement et des parlementaires.
L’intégralité de la réflexion du CNN est disponible ici en PDF : 2014-07-15_CNNum_Avis3-2014-TerroNum
Ainsi que le souligne le CNN le blocage d’un site est une mesure technique très complexe et toujours contournable. Si elle est contournée, finalement, elle va renforcer la clandestinité (point 2). Enfin, court-circuiter l’autorité judiciaire n’est pas un bon signal.
Les arguments qui ont été évoqués pour motiver le blocage « direct » se sont basés sur des comparaisons avec des manifestations de rues, qui ne sont, à mon avis, pas du même registre…20
Nos représentants à l’Assemblée auraient sans doute dû suivre les recommandations d’une instance dont le rôle même est de maîtriser ces dimensions techniques et les implications qui en découlent… La commission de l’AN avait elle aussi émis des doutes quant à l’efficacité de la démarche : « la Commission souhaite rappeler que le préalable d’une décision judiciaire apparaît comme un principe essentiel, de nature à respecter l’ensemble des intérêts en présence, lorsqu’est envisagé le blocage de l’accès à des contenus illicites sur des réseaux numériques. Non seulement ce préalable constitue une garantie forte de la liberté d’expression et de communication, mais il vise aussi à préserver la neutralité des réseaux. »