A nouveau un peu d’histoire… 🙂
En ce milieu des années 1980, MS-DOS ne domine pas encore totalement le marché (cependant n’en n’est pas loin). La micro-informatique « personnelle » a pour acteur principal l’Apple II, mais les fabricants restent nombreux : Sinclair (et son ZX), Commodore, NewBrain, Atari,… Côté informatique professionnelle, CP/M existe toujours (avec ses variantes évoquées dans la précédente note) mais il est très affaibli par les accords qui fleurissent dans la lignée de l’IBM PC. Compaq sort ses premiers micro-ordinateurs à partir de 1982 et en 1986, propose le Compaq Portable II avec un disque dur de 10Mo, 640Ko de mémoire et un lecteur de disquette 360Ko. La « bête » pèse 10Kg ce qui en fait un portable loin des standards actuels !
De son côté, Apple avait annoncé le Mac 2 ans plus tôt. Une machine étrange dans un monde où la ligne de commande est encore bien présente (Windows n’est pas généralisé en entreprise). Le Mac ne comporte qu’un lecteur de disquette, c’est un tout-en-un avec l’écran intégré et surtout, il utilise une souris (avec un seul bouton) comme dispositif de pointage. Un produit qui avait failli être utilisé dans le cadre du Plan Informatique pour Tous mais auquel quelques esprits brillants avaient préféré le MO5 et le TO7 (c’est une autre histoire) et le stylo optique.
Digital Research voit là un moyen de se relancer et propose Graphical environment manager (GEM) qui vient s’installer au-dessus de MS-DOS et rapproche le PC du Mac de l’époque en de nombreux points.
Cependant, les contraintes du système qui sous-tend GEM limitent les performances. Ainsi, par exemple, les noms de fichiers ne peuvent dépasser 8 caractères suivis d’une extension sur 3 caractères (ce qui est resté longtemps le cas sur PC).
JP Tissier, des éditions Eyrolles, me demande (fin 85 en réalité) de rédiger un nouveau livre sur cet environnement car il a le sentiment que ce type de produit correspond à une attente du marché. Cette fois, pour disposer d’outils plus performants, nous négocions avec Logabax et Goupil le prêt d’un Logabax Persona 1600 (processeur 8086-2 à 8MHz) et d’un Goupil G4 (Processeur 80186). Ainsi équipés, avec Michel Couprie, nous livrons plus de 230 pages décrivant cette sur-couche graphique pour PC. Je me souviens même d’un débat avec Eyrolles sur l’opportunité de mettre un exemple de programmation dans le livre. Compliqué de mettre une disquette (il faut du façonnage spécifique) et un listing risque de contenir des erreurs ou ne présentera pas d’intérêt pour l’utilisateur qui doit re-taper le code. On transige donc à 5 pages de « listing » 🙂 (ce qui au prix de la page devait sans doute être intéressant !).
Le livre est publié à l’été 1986. On hésite entre le Goncourt et le Renaudot, finalement Michel Host obtient le Goncourt et C. Guidicelli, le Renaudot, alors que « GEM Guide pour l’utilisation et la programmation » avait toutes ses chances ! 🙂 Un peu décevant, tout de même…
Apple, sentant le danger (pas de notre livre) que présente GEM, attaque Digital Research pour contrefaçon et/ou violation de brevet. En particulier, la poubelle sur le bureau virtuel est considérée comme graphiquement et fonctionnellement trop proche de celle du Mac. Le concept des fenêtres est aussi mis en cause. DR perd son procès et se voit contraint de figer les fenêtres. Ainsi, il n’est plus possible de modifier la taille des fenêtres et le bureau ne propose alors que 2 fenêtres de taille identiques. Apple est rassuré (mais ne voit pas venir Windows). GEM ne sera plus disponible que sur Atari. DR va alors petit à petit disparaître. Ce qui n’est pas bon du tout pour notre livre (vendu tout de même la somme modique de 250 francs soit à peine 38 euros).
Au final, cette période est tout de même un tournant pour la micro-informatique puisqu’elle installe la domination de MS-DOS puis Windows face au Mac (un autre combat moins visible sera celui des processeurs RISC vs CISC qui s’éteindra au milieu des années 90).