Dix jours après le massacre de 17 français tués parce qu’ils étaient soit journalistes, policiers ou juifs, la question soulevée cycliquement (et notamment par Cabu, Desproges, Geluck, etc..) revient au premier plan : Peut-on rire de tout ?
Alors que des millions de français mais aussi de citoyens de nombreux pays se sont soulevés pour manifester leur solidarité avec des journalistes et caricaturistes (que pourtant ils ne lisaient pas toujours), certains dirigeants et autorités religieuses semblent penser le contraire. Ainsi, par exemple, le Pape qui, s’il condamne avec fermeté la violence au nom de la religion, explique que si « son collaborateur se moque de sa mère, il faut qu’il s’attende à recevoir un coup de poing ». Et il précise « qu’on ne peut insulter la foi des autres, on ne peut la tourner en dérision ».
Ainsi pour le Pape, la liberté d’expression inscrite dans la déclaration des droits de l’homme et du citoyen devrait-elle être limitée par la croyance de certains ?
Ce raisonnement conduirait à interdire progressivement tout débat sur la religieux ! La caricature, telle qu’elle est pratiquée par Charlie Hebdo, Fluide Glacial, le Canard Enchainé, Dilem, etc… est justement un moyen de s’interroger, de critiquer, de questionner. ..
Les réactions de certains imams et de quelques dignitaires, pourtant présents lors du défilé du 11 janvier à Paris, vont plus loin, puisque pour certains, le gouvernement français doit faire interdire tout journal qui publierait un dessin représentant ce que l’on suppose être le prophète. Pour d’autres, ceux qui prétendent représenter le prophète doivent être punis. Il n’est d’ailleurs pas question de s’interroger sur l’origine de l’interdiction ! Le prophète a-t-il écrit qu’il ne devait pas être représenté ? Il est probable que non puisque des dessins ont existé de lui pendant des siècles. De plus, la loi coranique s’applique aux croyants, pas aux autres ! Mais trouver un prétexte d’opposer deux cultures semble profitable à certains. Et laisser les peuples critiquer ou rire de sujets sacrés pourraient les conduire à rire de leurs dirigeants ou à critiquer leurs conditions de vie. Trop risqué sans doute !
La culture, les croyances, les législations des uns ne peuvent pas, ne doivent pas s’imposer à ceux qui ont fait le choix de la liberté de parole, de penser, de critiquer. Notre civilisation a gagné cette forme de culture et d’expression.
La question s’est souvent posée. Et les français, soutenus par de nombreux pays, ont répondu massivement leur souhait de pouvoir critiquer, s’amuser, remettre en cause le sacré.
Donc, Oui on peut rire de tout. Mais le combat est (de plus en plus ?) difficile et la pression risque d’être forte sur les épaules des Dilem, Kahled Gueddar, Charlie, etc… car il y a, à l’évidence, un choc de culture et de rapport aux institutions (religieuses ou étatiques, d’ailleurs).
Les moyens de faire vivre cette liberté pourraient être de s’abonner à la presse papier (ou numérique), de réagir aux côtés d’associations comme RSF, de s’indigner avec Amnesty, mais aussi de s’exprimer avec un crayon, un clavier, un réseau social !
(*) Yes, we can pour mes lecteurs américains que je sais nombreux…