Ce 27 janvier, l’assemblée Nationale a adopté la loi numérique présentée par Axelle Lemaire. S’il a des avancées positives dans ce texte, comme par exemple, le « droit de panorama » ou encore sur l’ouverture des données, en revanche, les débats ont abordé des sujets assez incroyables et qui montrent que, bien souvent, le domaine du numérique est sujet à quelques approximations ou incompréhensions :
1) Un amendement a proposé de s’attaquer aux liens hypertextes, c’est à dire à ce qui est au coeur même d’internet. Ce qui fait la riche du réseau, c’est justement la mise en réseau des connaissances, du savoir, c’est le partage des informations, c’est la sérendipité qu’il permet par une navigation non contrôlée et libre. Pour les députés ayant déposé l’amendement, l’idée est qu’il faudrait disposer des droits d’auteur pour faire un lien hypertexte (lire l’amendement ici ). La ministère, elle même, a qualifié cet amendement « d’absurde ». Il y avait sans doute, derrière ce texte, (une nouvelle fois) la volonté de limiter la possibilité pour certains moteurs de recherche (Google peut-être) de proposer des résultats sans avoir à payer des droits… Bref, de l’énergie et du temps perdu pour les députés présents. Karine Berger a d’ailleurs expliqué dans la presse devant la levée de boucliers des internautes : « nous n’avions pas l’intention de faire voter cet amendement mais juste de susciter le débat » (sic).
Sources :
2) Dans la série des amendements inutiles, on a eu aussi l’amendement 190 qui proposait de bloquer tous les sites des structures n’ayant pas de représentants en France. Au-delà de l’impossibilité technique (il aurait fallu aux opérateurs effectuer des vérifications incroyables), cela aurait entraîner la fermeture de centaines de sites Internet consultés tous les jours ! La raison l’ayant emporté (ou devant le ridicule de la proposition), cet amendement n’a pas été soutenu. On peut quand même se poser la question de savoir pourquoi il a été écrit.
Source : Assemblée Nationale
3) Comme les internautes ne sont pas suffisamment intelligents, une poignée de députés a proposé l’amendement 387 pour interdire la diffusion « d’information erronée sur le contenu d’une politique publique ». Avec à la clé une amende de 135 000 euros. La loi sur la presse punit déjà la publication de fausses informations donc il suffirait de l’appliquer. En revanche, les députés n’ont pas proposé de sanctions pour la diffusion de promesses électorales non tenues. 🙂
Source : Assemblée Nationale
4) L’amendement 92 est aussi une proposition mal ficelée. Il cherchait à imposer aux constructeurs de matériels le fait de donner « accès aux matériels » aux forces de l’ordre. Sans doute cet amendement voulait-il imposer de faire sauter les protections de cryptage. En tous les cas, à sa lecture, ce n’est pas si clair. Bref, il a été retiré.
Source : Assemblée Nationale
5) Le meilleur pour la fin ! L’amendement 129 plaide pour un système d’exploitation souverain. Partant du principe que les utilisateurs (et en particulier les pouvoirs publics, les collectivités) dépendent de systèmes développés par des entreprises privées, l’idée serait de développer un système d’exploitation français rien qu’à nous. L’amendement adopté propose qu’une commission étudie la possibilité de faire un tel OS.
D’abord, un tel système existe au sein des forces armées (CLIP) mais ça, les députés ne pouvaient pas le savoir vu qu’il est secret. Il est conçu par l’ANSSI sur une base Linux qui travaille dessus depuis 10 ans (source numerama).
Mais surtout, le développement d’un système d’exploitation a un coût démesuré. Si Windows, Mac OSX, iOS sont aussi répandus aujourd’hui, c’est le résultat d’années de travail et d’évolutions. Car un OS c’est aussi un ensemble d’applications, un écosystème et on voit mal comment contraindre des utilisateurs à adopter un nouvel OS. A part en Corée du Nord aucun pays n’impose un OS.
Les réactions sur Internet qui évoquent l’infaisabilité d’un tel projet :
L’express (qui appelle son article appeau à trolls 🙂 )
01 Net (Hilarité sur Internet)
Numérama qui évalue à au moins 800 millions d’euros un tel OS
Pourtant, les expériences du Cloud à la française ou du plan informatique pour tous (après la visite de Steve Jobs en France), etc… auraient pu servir de bases de réflexion.
6) PS : l’article sur le droit au panorama autorise des particuliers à prendre en photos des monuments à des fins personnelles. En revanche, et c’est très dommage, Wikipédia n’a pas le droit. C’est une institution non lucrative, qui est à la base de l’information pour beaucoup d’internautes. Il aurait été judicieux d’élargir le champ de cet amendement. Espérons que la navette législative lui permettra d’être amélioré.
(Image source Pixabay)