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Intelligence artificielle (Mythes et perspectives)

Je découvre le rapport de l’Information Technology and Innovation Foundation (ITIF) sur l’Intelligence Artificielle, rédigé par le Docteur Robert D. Atkinson (@robatkinsonitif)

Le titre « Cela va tous nous tuer ! » donne le ton du document destiné à démonter les mythes de l’IA. Il en a retenu 5 :

  1. L’IA va détruire encore plus d’emplois,
  2. L’IA va rendre les humains stupides,
  3. L’IA va supprimer la vie privée
  4. L’IA permet tous les abus et les travers
  5. L’IA va finalement détruire l’humanité

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En partant de cette lecture, quelques réflexions et observations (personnelles et tirées du document).

L’Intelligence Artificielle est un terme et une technologie déjà « ancienne ». Elle remonte aux années 50 dont l’inventeur est John Mc Carthy et dont les précurseurs sont Marvin Minsky (décédé en janvier dernier) et (évidemment 😉 ) Alan Turing. Ce concept recouvre l’ensemble des programmes informatiques qui cherchent à reproduire ce que fait un être humain comme « l’apprentissage, le raisonnement critique ou l’organisation de la mémoire ». L’IA est donc principalement de l’informatique et des mathématiques, couplées avec de plus en plus importantes bases de données.

L’IA combine des techniques issues de la Recherche Opérationnelle (résolutions de problèmes, optimisations, analyse combinatoire, …), des outils et des modèles d’apprentissage (réseaux adaptatifs), de l’organisation et du traitement de données. Bref, l’IA regroupe plusieurs technologies et plusieurs approches. Longtemps, celle qui a été mise en avant était connue sous le nom de Systèmes Experts ou Systèmes à Base de Connaissance dont le principe était de « mimer » le raisonnement d’un expert par la mise en place de règles d’usages que celui-ci exprimait (recueil d’expertise).

La différence entre l’informatique, l’algorithmique traditionnelle et l’IA se situe dans une certaine capacité d’apprentissage ou d’amélioration des performances (presque) automatiques, dans la tentative de résolution de problèmes en s’appuyant sur des « raisonnements » (pondérations de choix) mais aussi dans les modèles de représentations des données (logique floue, par exemple) et dans les langages de programmation.

Par exemple, Prolog ou LISP étaient dans les années 80-90 des outils de prédilection de développement des applications d’IA. Les limites de l’IA à cette époque étaient principalement liées à la puissance de calcul et aux capacités de stockage. La rapidité des processeurs actuelle justifie principalement ce retour de l’IA. Les algorithmes de l’époque s’exécutent dans des temps incomparablement plus courts et permettent des résultats sans commune mesure (factorielle 20 est instantanée 😉 ).

L’IA est-elle donc dangereuse ? Reprenons les 5 mythes

  • L’IA va détruire des emplois

L’IA est une technologie. On pourrait reprendre ici la théorie du déversement de Alfred Sauvy ou d’autres analyses. Elle permet d’améliorer des processus, de résoudre des problèmes, d’apporter des solutions qui étaient longues et coûteuses. Par exemple, la planification d’un chantier complexe peut être optimisée par un algo d’IA pour déterminer quels matériels mettre en oeuvre, dans quel ordre et minimiser ainsi les coûts. L’IA peut donc avoir un effet sur la productivité mais il n’est pas démontré que cela ait un effet directement en termes de destruction d’emplois.

L’IA est capable de traiter des images, de les analyser plus finement sans doute qu’un oeil humain mais la prise de décision suite à une analyse requiert un jugement et une expérience impossible à modéliser. Dans le domaine médicale, l’IA apporte aux médecins des éléments précis mais aucun programme ne sait les expliquer aux patients, tenir compte de la psychologie des interlocuteurs, du contexte familial, social, etc… Bref, ce que sait faire (en principe) un être humain. C’est donc un formidable outil d’aide à la décision mais en aucun cas un substitut de l’être humain.

  • L’IA va rendre les humains stupides

Au contraire ! Elle apporte des éléments de réflexion permettant de prendre les bonnes décisions. Le fait qu’un programme soit capable de battre un joueur d’échecs ou de Go ne conduit pas tous les joueurs à abandonner. De plus un programme d’IA reste spécialisé, il n’a pas la polyvalence intellectuel d’un être humain. Rien ne peut étayer cette assertion. Un programme d’IA conduira sans doute très prochainement une voiture en limitant les risques d’accident mais cela n’a pas d’influence sur les capacités des voyageurs transportés. Imaginons un monde où toutes les tâches sont assistées par des programmes (conduire, aider au diagnostic, etc…). Pour autant, est-ce que cela réduira le niveau intellectuel des humains ? Le cerveau humain investiguera d’autres pistes de réflexion. La créativité, le design, l’organisation d’équipes, les relations humaines ne sont pas programmables. Wall-e, ce n’est pas pour de suite…

  • L’IA va supprimer la vie privée

Aucun rapport. La vie privée est un enjeu de lois et de règles. Ce sont les pouvoirs publics qui doivent définir les limites. Le respect de la mise en place de ces règles sous forme informatique est un enjeu mais l’IA reste de l’informatique.

  • L’IA permet tous les abus et les travers

Il est indéniable qu’un programme d’IA est plus complexe qu’un logiciel de comptabilité ou un traitement de texte. Ne serait-ce que parce qu’un programme d’IA peut apprendre, s’améliorer, corriger ses erreurs. Les premiers systèmes experts étaient simples à comprendre et à analyser. Un programme tel qu’un réseau « neuronal » est plus difficile à maîtriser et l’exemple de Microsoft avec son programme qui a tenu des propos racistes démontre cette difficulté. Cependant, d’une part cela montre qu’un programme d’IA n’a pas encore la maturité d’un être humain puis qu’il n’a fallu que quelques heures pour que les internautes trouvent les failles (dont l’humain est à ce jour plus malin). D’autre part, à partir du moment où cela relève de la programmation, les développeurs peuvent et savent introduire des règles qui limitent ces dérives.

  • L’IA va finalement détruire l’humanité

Sérieusement, il y a de la marge. Oui, la puissance de calcul est croissante et la capacité de traitement sera dans 20 ans un million de fois supérieure à celle d’aujourd’hui. Il est probable que les outils informatiques seront de plus en plus performants. Mais l’IA est pour un long moment très spécialisée. Il y a une marge importante avant de disposer d’un programme généraliste. Donc il pourra y avoir un programme imbattable aux échecs et au go mais il ne saura pas faire une soupe de vermicelles (ni même un café).

Il est indéniable que des milliers de programmes spécialisés vont voir le jour pour nous assister. L’émergence d’un programme généraliste comme dans Terminator est très loin de voir le jour car nécessite des compétences incroyablement complexes.

L’IA est un formidable enjeu. Il appartient aux pouvoirs publics de l’encourager et de lui donner les moyens et la direction pour une société au service des humains.

Le document peut être lu en PDF via ce lien : 2016-myths-machine-learning