L’écriture d’un rapport est devenu un exercice courant dans notre pays dès qu’une problématique est posée ou qu’un nouvel enjeu se dessine. On consulte, on se concerte, on se réunit, on synthétise (ou pas), on détermine les mesures indispensables et essentielles, on publie et on se congratule. Puis…. très souvent il ne se passe plus rien ou pas grand chose. Ainsi, le rapport Théry sur le haut débit date de 1994 et il aura fallu une sacré série de rapports pour aboutir au fibrage quasi complet du territoire (et encore ce n’est pas fini).
Le rapport mené à la demande du Premier ministre, sous la direction de Cédric Villani « Donner un sens à l’intelligence artificielle » (et publié il y a 2 mois) va-t-il échapper à cette malédiction bien française ?
L’idée initiale est louable (et était urgente) : il est impératif que la France et l’Europe emboitent le pas, voire le devancent, de l’intelligence artificielle. En effet, nous ne manquons pas d’atouts et il n’existe aucune raison objective pour que nous puissions pas garder la tête haute face aux Américains ou aux Chinois :
- La France compte parmi les 4 premiers pays au monde pour la production mondiale d’articles sur l’intelligence artificielle, avec la Chine, les Etats-Unis, et le Royaume-Uni, grâce à son excellence en mathématiques, en STIC et en SHS.
- 268 équipes de recherche
- 5 300 chercheurs
- 81 écoles d’ingénieurs et 38 universités délivrant 138 cours liés à l’IA.
- 18 diplômes de mastères spécialisés en IA
- 80 ETI et PME et plus de 270 start-ups spécialisées dans l’IA, avec un rythme de création soutenu : plus de 30% par an depuis 2010.*
On ne peut qu’adhérer aux quatre priorités énoncées – santé, transport, environnement et sécurité- et exemplarité de l’Etat en matière d’IA, et saluer la qualité du travail fourni pas les nombreux experts impliqués.
Mais quelques 130 mesures est-ce bien raisonnable ? Comment prioriser, comment avancer concrètement ? Le risque est grand que ce rapport s’inscrive dans cette manie des rapports (voir un précédent article) qui servent ensuite à caler les armoires. Il faudrait pour cela s’assurer qu’un noyau minimal de ces 135 mesures sera effectivement mis en oeuvre. Il me semble manquer, pour assurer le succès de ces recommandations, une touche de gouvernance Agile avec un soupçon de Design. Par exemple, la définition d’une forme de MVP (le minimum vital) avec une organisation itérative complété par un échéancier avec des points de contrôle.
Sinon, dans quelques mois, nous aurons un rapport du Sénat sur les 60 mesures pour l’IA dans les territoires, suivi l’an prochain par un rapport d’un groupe de députés comportant 45 mesures pour le développement de l’IA et le développement durable etc… jusqu’à un rapport d’Attali sur la France et l’IA pour 2035.
Le rapport est ici aussi : Rapport_Villani